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Foire aux questions

Muriel Barra

Auteure-Réalisatrice

Depuis leur diffusion TV, les 4 épisodes de la série « Un autre Chemin » font régulièrement l’objet de projections-débats, partout en France. Les témoignages présentés et les sujets abordés suscitent à chaque fois un grand nombre de questions de la part du public. S’en suivent alors de riches discussions qui sont souvent l’occasion d’interroger les fondamentaux de notre modèle de société. Voici quelques extraits des questions et échanges qui reviennent le plus souvent :

Comment ces personnes autonomes gagnent-elles leur vie?

Cette expression « gagner sa vie » est quelque chose de très symbolique. C’est une expression que l’on entend depuis tout petit, et qui résonne en chacun de nous comme une injonction à travailler pour avoir le droit de vivre. Cette expression a toujours été un non-sens pour moi. Il me semble que la vie est « gagnée » dès lors que l’on arrive au monde ; après il s’agit de savoir comment jouir au mieux de ce cadeau, en pleine conscience d’avoir justement eu le privilège d’avoir « gagné » une vie sur terre !

Les personnes que j’ai rencontrées partagent toutes cette même approche de la vie. Et cette simple expression nous permet de reconsidérer entièrement notre rapport à la vie, au travail et à l’argent.

Ma conviction profonde est que nous ne sommes pas sur terre pour pousser des caddies … et que le fait que cette société nous fixe comme principal objectif le fait de travailler pour gagner de l’argent, nous contraint à devenir de dociles consommateurs, qui n’osent plus regarder en face les dégâts collatéraux d’une telle logique de vie.

La philosophie de la vie en autonomie par rapport à la notion de travail est simple : « Travailler moins pour gagner moins d’argent, pour polluer moins et donc vivre plus et mieux ! ».

La grande majorité des personnes rencontrées exercent une petite activité professionnelle (2 à 3 mois par an en moyenne), si possible sur le lieu même de leur habitation et/ou la plupart du temps en rapport avec leurs aspirations (proposition de stages, vente sur les marchés, télé travail, …). Ces rentrées d’argent leur permettent de payer les produits que leur autonomie ne peut pas leur procurer (céréales, huile, … ) ou encore de s’offrir des extras (sorties, livres, cinéma, …).

D’autres, ayant exercé une activité professionnelle avant de s’installer en autonomie, touchent encore des aides sous forme de chômage. Ils mettent alors ces aides à profit pour construire leur nouvelle vie.

D’une manière générale, dans la recherche des histoires et personnages que je suis allée rencontrer, il était important pour moi de ne pas mettre en avant des personnes qui vivraient uniquement grâce aux aides sociales, mais bien de privilégier celles qui avaient construit un modèle économique solide basé sur l’indépendance financière.

Peut-on dire que ces personnes vivent isolées, en rupture et sans contact avec la société ?

Rappelons déjà une chose : on parle ici d’Autonomie et non d’Autarcie. L’autarcie est en effet un repli sur soi, un rejet de la société et souvent aussi de ses concitoyens.

Etymologiquement, la notion d’autonomie nous renvoie à sa racine grecque : « auto » (soi-même) et « nomos » (la loi). L’autonomie désigne ainsi le fait de se gouverner soi-même, d’après ses propres lois. En cela, l’autonomie reconnaît à chacun la capacité à se gérer soi-même et à s’extraire de toutes formes de dépendance à un système.

Loin de vouloir se mettre en retrait de la société, ces personnes ont pris conscience d’être, depuis la naissance et donc malgré elles, engagées dans un système défaillant. A bien des égards, on parle aujourd’hui de multiplication des crises et d’effondrements en cascade : crises sociales, économiques, énergétiques, effondrement de la biodiversité, des ressources naturelles, … Face à ces constats qui annoncent la fin d’un modèle de société, ces personnes ont tout simplement eu le courage et la volonté d’en inventer un autre.

Simplement armés de leurs convictions et de leur imagination, seuls ou en collectif, ils ont choisi de faire de leur vie un laboratoire d’expériences, qu’ils espèrent voir partager avec le plus grand nombre, et donc chacun pourra librement s’inspirer. Tels des apprentis, loin de vouloir donner des leçons à qui que ce soit, ni devenir de nouveaux gourous, ils savent que leurs modèles sont perfectibles. Ils s’inscrivent tous en voie de progression. La plupart sont impliqués dans différentes associations (à but social, environnemental, …), et cherchent toujours à partager leurs expériences avec le plus grand nombre (internet, accueil de woofeurs, ..).

Donc non, ces personnes ne vivent pas du tout en rupture avec la société. Conscients des maux dont elle souffre, elles souhaitent simplement apporter leur pierre à la création d’un nouveau monde.

En ce sens, l’autonomie est alors très proche de la notion de résilience.

Comment s’inspirer de ces vies qui se passent à la campagne, à l’heure où la majorité de la population mondiale vit en ville ?

La plupart des gens qui souhaitent vivre en autonomie, désirent également se rapprocher de la nature. C’est d’ailleurs souvent la première motivation pour eux.

A force de vouloir dominer la nature, l’espèce humaine agit aujourd’hui comme si elle s’était extraite du cycle de la vie. C’est alors conscient d’appartenir à ce cycle (au même titre que les animaux et les végétaux), que ces hommes et ces femmes ont souhaité retrouver leur juste place, au cœur de la Nature.

La majorité de la population mondiale vit en effet aujourd’hui en ville, c’est un fait, mais nous savons ce que la vie urbaine engendre en terme de pollutions diverses. Alors devons-nous accepter cela comme un fait acquis, ou comme une tendance de société qu’il est encore possible d’inverser ? Ne s’agit-il pas peut-être de repenser en profondeur notre rapport à la ville, à la nature et à la démographie galopante ?

Les modèles de vie qui sont ici proposés pourront paraître « radicaux » pour certains. Mais il était important pour la réalisatrice de mettre en lumière des expériences de vie qui vont au plus loin de leur cohérence.

Plus que des astuces et modes d’emploi en termes d’autonomie en alimentation, énergie, habitat … ces personnages nous livrent une certaine philosophie de la vie. Alors, que le spectateur habite en ville ou à la campagne, chacun pourra librement s’inspirer des  expériences et témoignages présentés et ainsi les transposer, les adapter à son échelle, à son rythme, dans sa propre vie.